mercredi 30 décembre 2009

"Né Dans la Rue, Graffiti" à la Fondation Cartier jusqu'au 10 janvier

Un matin, dans la rue. Je marche aux côtés de mon père. Nous passons devant un magasin fermé, dont le store est rabaissé. Un homme, accroupi sur un escabeau, le visage protégé d'un foulard, armé de deux bombes aérosol, réalise de magnifiques esquisses sur cette toile de fer. Un superbe couchant sur une plage paradisiaque vient progressivement remplacer le gris hideux de la paroie métallique. Quand soudain...
Une vieille dame s'exclame, verte de rage : "Allez faire vos cochonneries ailleurs, vous n'avez pas honte?"
L'artiste se retourne, interloqué. On devine alors un sourire amusé à travers son foulard.
Il ne dit mot. Chacun poursuit son chemin. Sans doute avait-il été payé pour repeindre le store, ou peut-être était-il même le propriétaire du magasin.
Mais quand bien même cela aurait-été illégal, j'avais trouvé son graffiti magnifique, bien plus coloré et chaleureux que le banal rideau de fer.
 Pour la vieille dame, pourtant, un graffiti, ce n'était pas de l'Art....

Voilà une des raisons qui m'ont poussé à aller voir l'exposition "Grafitti, Né Dans la Rue", à la Fondation Cartier.


  Tous les coins et recoins de la Fondation Cartier semblent avoir été mobilisés pour l'occasion : dès votre arrivée, vous pourrez admirer la belle façade de la Fondation entièrement recouverte de Tags.
Près de l'entrée, plusieurs panneaux ont été installés afin de permettre à des artistes reconnus de réaliser plusieurs grafitti, en permanence. Attention, "Work in Progress" ! Les parfums relevés des bombes aérosol sauront vous mettre d'emblée dans l'ambiance.

L'exposition commence au sous-sol. Vous devrez pour cela descendre un escalier entièrement recouvert de tags en tous genre. Dans cette partie de l'exposition, vous serez transportés à New York dans les années 1970.
C'est là que de jeunes adolescents des quartiers pauvres, âgés de 12 à 16 ans, se sont amusés à griffonner sur les murs leur "signature", alias "tag": un surnom suivi d'un numéro, correspondant au numéro de la rue dans laquelle ils habitaient.
Une immense salle vous attend, dans laquelle ont été disposés de biais trois énormes panneaux, incrustés de croquis, photographie, et projections de vidéos sur les graffitis de l'époque, ainsi que son contexte socio-culturel.
Sur trois des murs de la salle, vous pourrez admirer des graffiti géants des célèbres graffeurs P.H.A.S.E. 2, Part 1 et Seen. Il s'agit de reproductions de "whole car", ces graffiti réalisés sur toute la surface d'un wagon de métro (et parfois plusieurs wagons d'une même rame!).
Le grafitti est en effet né dans le métro newyorkais. Sous les tunnels, sur les murs, puis, progressivement, sur les wagons des trains.

Vous pourrez alors vous amuser à reconnaître les différents "writing styles" (le lettrage) :
==> Bubble Style


==> Block Style


==> Wild Style :


==> Effet 3D (ajouté au Wild Style)


Vous aurez également l'occasion de visionner des vidéos avec divers témoignages d'anciens graffeurs de l'époque. Certains se disent nostalgique de cette époque. Réaliser un tag ou un grafitti dans les années 1970, en effet, n'avait rien de banal. Il s'agissait d'un délit, et beaucoup de jeunes garçons de 15 ans se retrouvaient  alors en prison quelques jours. D'où le plaisir provoqué par l'aspect interdit, et la montée d'adrénaline que ces jeunes devaient ressentir lorsqu'il sortaient leur bombe pour réaliser leur tags...

Illégal, certes, mais surtout dangereux. Les graffeurs devaient attendre la nuit pour pénétrer  dans les sous-sol du métro, souvent par des trappes. Ensuite, gare aux chocs électriques ou aux trains encore en marche arrivant par mégarde à toute vitesse... Nombreux sont les jeunes adolescents qui sont morts ainsi écrasés, sectionnés, parfois sous les yeux de leur amis  pour avoir voulu exprimer leurs émotions et leur imagination.

La salle suivante est dédiée à l'expansion du mouvement à l'International et dans d'autres secteurs. Ce sera l'occasion de (re)découvrir Jean-Michel Basquiat ou Keith Haring,  et de suivre l'évolution du mouvement d'une opinion très défavorable (voir la vidéo sur la chasse aux grafitti à New York) vers la consécration d'un Art urbain reconnu avec l'ouverture de premières galleries, puis son appropriation par le mouvement Hip-Hop.


Jean Michel Basquiat 




Keith Haring
                     
Un couloir souterrain, recouvert de tags multicolors (murs, plafond, portes, et même jusque dans les toilettes..) vous conduira aux escaliers afin que vous puissiez regagner le rez-de-chaussée.

Une fois arrivés, je vous conseille d'aller faire un tour dans la salle de projection : plusieurs court-métrages très intéressants y sont diffusés, dont un en particulier sur la "pixaçao", récent mouvement brésilien de "graffeurs" à Sao Paulo. On y apprend comment les jeunes des quartiers les plus pauvres, tous comme ceux de New-York, réalisent des tags à leur risques et périls, afin de se faire une place dans la société. Pour certains, la "pixaçao", c'est un Art marginalisé, un Art de la pauvreté, un Art urbain.... pour d'autres, une simple forme d'expression. Le "pixo" se réalise un peu partout, jusque sur les façade des immeubles, parfois haut, très haut (là aussi, entre les chutes et les électrocutions, les accidents sont fréquents). La répression est violente. Les "pixadores" n'ont pas hésité à faire un "happening" à la 28e biennale de Sao Paulo, en 2008, afin de protester contre la commercialisation et l'institutionnalisation de la culture...

Enfin, vous pouvez terminer votre parcourt par le grand hall du rez de chaussée, où sont exposées les oeuvres d'Artistes-graffeurs contemporains, ou bien faire un tour dans le jardin de la Fondation y découvrir d'autres surprises...

Mais l'exposition ne se termine jamais vraiment... Elle vous poursuivra dans le métro, lorsque vous rentrerez chez vous : vous verrez, après, on ne regarde plus les grafitti d'un même oeil !

Infos Pratiques : 
Exposition prolongée jusqu'au 10 janvier.
261 Boulevard Raspail, Paris 14e.
Métro Raspail ou Denfert-Rochereau (lignes 4 et 6)
Tarif : 6,50euros - 4,50euros en tarif réduit.


Prévoir environ 2h pour toute l'exposition.


dimanche 20 décembre 2009

Pourquoi l'antiberlusconisme ne fera pas tomber le Cavaliere

"Il me restera deux choses de ces journées : la haine de quelques-uns, l'amour de tant et tant d'Italiens" déclare jeudi Silvio Berlusconi en sortant de l'hôpital. Les images du visage ensanglanté du Président du Conseil ont choqué l'Italie. L'agresseur, un "déséquilibré", suivi depuis 10 ans pour des problèmes psychiatriques, a été tout de suite arrêté.

Si les leaders de l'opposition ont tout de suite condamné cette agression, ils n'oublient pas pour autant qui est Berlusconi. Marco Travaglio, journaliste pointé du doigt comme "ennemi communiste"par Berlusconi et son entourage, rappelle qu'on "ne devient pas quelqu'un de bien parce qu'on est victime d'un attentat", dans son programme hebdomadaire "Passa Parola", diffusé sur Youtube.
C'est également Internet et ses blogueurs qui étaient à l'initiative du "No Berlusconi Day" le 5 décembre, manifestation demandant la démission de Berlusconi. 450 000 manifestants, arborant la couleur violette, symbole de neutralité politique, s'étaient rassemblés à Rome.
 Une nouvelle forme d'opposition se mobilise : la société civile, devant l'immobilisme de la gauche.

Rappelons nous. Le 28 avril, La Repubblica, quotidien de gauche, révèle la présence du Cavaliere à la fête des 18 ans de Noemie Letizia et publie plus tard 10 questions au Président du Conseil. Le 3 mai, Veronica Lario, son épouse, demande le divorce. Sa réputation se ternit à nouveau avec la publication au Corriere della Sera du témoignage de Patrizia d'Addario, call girl.
Le 3 octobre, 100 000 personnes manifestent à Rome pour défendre la liberté de la presse. Berlusconi contrôle le duopole médiatique Mediaset-Rai, et plusieurs journaux. Le Conseil Constitutionnel, le 7 octobre, invalide la loi Alfano lui garantissant son immunité. Il devra répondre de ses actes dans le procès David Mills.

Pourtant, la popularité de Berlusconi n'a que faiblement baissé : moins 4 points selon un sondage Ipsos publié par La Stampa.


Silvio Berlusconi, un véritable leader politique
Il crée son parti, Forza Italia, fin 1993, profitant de la crise politique de 1992. Les enquêtes anti-corruption du Parquet de Milan ont entraîné la chute des deux grands partis de l'époque, la démocratie chrétienne et le parti socialiste. De nombreux chefs de partis sont en effet impliqués. En janvier 1994, son discours de la discesa séduit. Il se présente comme un homme neuf, extérieur aux années de la corruption politique, ayant fait ses preuves dans le monde de l'entreprise. La coalition de droite qu'il a mise en place avec l'Alliance Nationale et la Ligue du Nord lui apportent un réel soutien, et ce dès les élections de mars 1994. De la victoire de la gauche en 1996 à 2001, il se construit une véritable légitimité en tant que chef de l'opposition italienne. Il gagne les élections en 2001 et restera jusqu'en 2006, avant d'être réélu en 2008.
Berlusconi, ce n'est pas seulement la publicité, les médias, le côté charmeur. Il a bâti une véritable entreprise politique sur le territoire avec des élus locaux, des militants. Son programme économique a séduit. Son électorat est souvent perçu comme la ménagère de 40 ans scotchée à la télévision. Pourtant en plus des classes populaires, les commerçants, les jeunes cadres, les entrepreneurs le soutiennent.
L'erreur de la presse italienne, c'est d'avoir cru que la population réagirait en terme d'éthique publique. Elle oublie les autres logiques électorales : l'idéologie, ou l'appartenance à un groupe social.
Berlusconi a conquis une sorte d'hégémonie culturelle, mélangeant plusieurs valeurs contradictoires : le libéralisme et le protectionnisme, l'individualisme et la protection pour les plus démunis, des valeurs chrétiennes et des moeurs privés plus libertaires, un discours proeuropéen mais défendant les intérêts nationaux, de la bienveillance  l'égard des gens du Sud et un discours populiste pour satisfaire les Nordistes...
Son emprise sur ce bloc social se consolide par le vide de la gauche.

La gauche toujours dans une impasse
Sans projet, sans identité, sans leader, le Partito democratico (PD) ne sait quelle stratégie mener. Ce parti dérive d'une coalition entre le Parti communiste, des petites forces progressistes laïques, et une partie de la démocratie chrétienne, formée dans les années 1990. L'expérience montre que cette forte hétérogénéité rend la coalition ingouvernable.
Par ailleurs, on reproche au PD son "jeu de miroir" avec l'actuel parti de Berlusconi, il Popolo Della Libertà. Le premier désigne le second comme son opposant, et vice-versa. Ils ont besoin l'un de l'autre.

L'antiberlusconisme ne fera pas tomber le Cavaliere
"On a créé un parti des juges", dénonçait Silvio Berlusconi, lors du Congrès du Parti Populaire Européen, le 10 décembre à Bonn. Le discours du Président du Conseil avait mis l'Italie mal à l'aise jusque dans les rangs de son gouvernement. En s'attaquant aux juges, à la Cour Constitutionnelle, et même au Président de la République, il a délégitimé les institutions du régime qu'il gouverne.
L'antiberlusconisme dénonce cette "anomalie". Le No Berlusconi Day témoigne de l'exaspération de la jeunesse italienne, inquiète de son futur. L'utilisation inédite d'Internet pour organiser cette manifestation montre qu'une part de la société est prête à faire basculer l'hégémonie de la TV vers un autre média plus libre.
Beaucoup sont séduits par le phénomène Di Pietro et son parti Italia Dei Valori, principalement antiberlusconiste. La création en septembre dernier du quotidien Il Fatto, contre Berlusconi, prouve que la presse n'a pas dit son dernier mot.
Mais une partie de la gauche officielle est contre le discours uniquement antiberlusconien. D'où le refus du PD de participer à la manifestation du 5 décembre. Cette mobilisation de la société n'a pas de débouchés politiques.

samedi 5 décembre 2009

No Berlusconi Day

Aujourd'hui, 350 000 personnes sont attendues à Rome pour manifester contre Berlusconi.
C'est une initiative d'une douzaine de blogueurs, qui, sur leur  site www.noberlusconiday.org, appellent le monde entier à défiler pour demander la destitution du chef du gouvernement italien. Des manifestations sont prévues aussi à Londres, Sindney... et... PARIS ! Le rendez-vous est pour 14h, au Trocadéro, au parvis des droits de l'Homme.
Les organisateurs du mouvement, en Italie, affirment qu'ils n'appartiennent à aucun parti. Leur but est surtout de "débusquer toutes les formes de berlusconisme", selon Gabriella Magnano, l'une des organisatrices du collectif.
À Rome, cette journée sera l'occasion d'écouter divers discours de personnalités du monde littéraire, de la justice, de l'éducation, de l'entreprise, avant d'assister à un beau concert, comme les romains savent si bien le faire !
Le prix Nobel de littérature Dario Fo témoignera pour le monde du spectacle, le magistrat Domenico Gallo parlera des procès en cours contre Berlusconi, un écologiste expliquera les méfaits du pont du détroit de Messine (reliant le sud de l'Italie à la Sicile), d'autres parleront de la situation des immigrés... Les organisateurs du NBD espèrent mettre fin à l'"anomalie italienne où un seul homme contrôle trois TV privées et tout le secteur public" (voir mes précédents articles !)

 En attendant, rendez-vous au Trocadéro dès 14h, parvis des droits de l'Homme ! Allons soutenir nos confrères italiens !












dimanche 8 novembre 2009

Bon anniversaire à la chute du mur de Berlin et à moi même !





À l'occasion des 20 ans de la chute du mur de Berlin et de mes 21 ans (vous pouvez me remercier, c'est ce que j'ai demandé en cadeau lors de mes un an : "faites tomber le mur s'il vous plait", ont été mes premiers mots, si, si !)....
 Je vous propose un petit reportage photo de ce qu'il reste du mur de Berlin côté Est. Ce reportage a été réalisé lors d'un voyage à Berlin que j'ai fait en Juillet 2008.
Il s'agit de la East Side Gallery, (sur la Mühlenstrasse, quartier Friedrichshain), morceau du mur de Berlin de 1,3 km de long, sur lequel plus de 100 artistes venus du monde entier ont peint après la chute du mur. La première peinture a été réalisée dès 1989, par Christine Mac Lean.
Les 2 tiers des peintures sont abîmées par l'érosion, ou des graffitis. Mais une organisation a déjà permis la restauration d'1/3 des dessins dès l'année 2000.
Je vous laisse apprécier!
















dimanche 1 novembre 2009

Berlusconi et la liberté de la Presse en Italie (1/2)


La France a été classée 43e dans le classement annuel de RSF sur la liberté de la presse, mais l’Italie… 49e !

Silvio Berlusconi contrôle les deux plus grands groupe télévisés d’Italie : Mediaset, groupe médiatique dont il est le fondateur et propriétaire, et la Rai, dont il détient les 3 plus grosses chaînes, où sont placés à la direction ses plus fidèles amis. Mediaset et la Rai détiennent 88% des part d’audience en Italie.
Or en Italie, la Télévision, c’est un culte. Elle est partout. Dans le salon, mais aussi dans la cuisine et dans sa chambre. Elle est allumée 24/24h. Selon plusieurs sondages, 70% des italiens se forment une opinion par la télévision.
Berlusconi est également le propriétaire de Il Giornale, l’un des principaux journaux de droite…

Berlusconi et Mediaset
Silvio Berlusconi est le propriétaire et le directeur de Mediaset, groupe de media détenant 44% des parts d’audience de la TV en Italie.
Mediaset contrôle les principales chaînes de télévision Canale 5, Italia Uno et Rete 4. Le goupe fait partie de la holding Finivest, empire financier de Berlusconi.
Marina et Piersilvio Berlusconi, ses deux aînés, occupent des postes de direction à Mediaset et Finivest. En Italie, ce qui compte par dessus tout, c’est la famiglia ! 

L'affaire Mediaset

Le 26 avril 2005, le Parquet de Milan demande le renvoi de Silvio Berlusconi dans une affaire de droits de retransmission impliquant Mediaset.
Selon les magistrats, Mediaset a artificiellement gonflé, grâce à des sociétés écrans off shore, le prix d’achat des droits de diffusion de films américains. Le groupe de Berlusconi aurait pu ainsi constituer des caisses noires à l’étranger et diminuer en Italie ses bénéfices afin de payer moins d’impôts ! L’affaire remonte à 1994-1995, mais Berlusconi avait été acquitté en 1998.
L’affaire devient « affaire David Mills » lorsqu’on apprend qu’il a versé 60 000 dollars en 1997 à l’avocat David Mills en échange de faux témoignages et de la destruction de documents lors des procès intentés contre lui en 1997 et 1998.
Berlusconi est cité à comparaître début décembre 2005  par le parquet de Milan mais ne se rend pas à la convocation. Ce n’est qu’en octobre 2007 que Silvio Berlusconi et David Mills comparaissent devant le tribunal de Milan.
Or, Silvio est réélu Président du conseil en avril 2008, après la chute du gouvernement démocrate de Romano Prodi (2006-2008). Trois mois après, le 23 juillet 2008, le Cavaliere fait voter la fameuse loi Alfano lui garantissant l’immunité judiciaire tant qu’il occupera la fonction de Président du Conseil.
Tiens donc ! Aurait-il quelque chose à se reprocher ?


Berlusconi et la Rai : Tv publique ou TV d’Etat ?

L’ «edit Bulgare »
En avril 2002, Berlusconi est en visite officielle en Bulgarie. Il accuse alors trois journalistes de la Rai de faire un usage criminel de la télévision publique par leurs attaques et provoque leurs licenciements.

2007 : une entente entre Mediaset et la Rai
L’affaire éclate en 2007, mais remonte à 2004-2005. Des écoutes sont effectuées dans le cadre d’une enquête judiciaire, et montrent que des proches du Cavaliere, occupant des postes de direction à la Rai, s’entendent avec la direction de Mediaset avant de prendre des décisions éditoriales, notamment lorsqu’il s’agit de couvrir la vie politique ou privée de Berlusconi, alors Président du Conseil.
Au banc des accusés, Deborah Bergamin, ancienne assistante de Berlusconi et à l’époque responsable de la programmation de la Rai, et l’ancien directeur général (2003-2005) de la TV publique Flavio Cattaneo.


La Rai aujourd’hui 
Dans un article du journal Le Monde daté du 21 octobre, (dont je m’inspire fortement) Alessandra Mancuso, journaliste au JT de Rai Uno, témoigne : « « Nous traversons le pire moment de notre histoire (…) Depuis le retour de Berlusconi, nous avons de moins en moins d’autonomie et d’indépendance ». La journaliste ajoute : « Les médias, et particulièrement la télévision, sont son obsession. Le problème est qu’il contrôle directement la Rai, où il a placé à sa tête des hommes de confiance».

Que le pouvoir ait été de gauche ou de droite, la Rai a toujours entretenu des relations étroites avec le gouvernement. Depuis 1945 et jusqu’aux années 1990, c’est la Démocratie chrétienne, au pouvoir sans interruption, s’était attribuée la chaîne Rai Uno. Le Parti Socialiste lui détenait Rai Due, et Rai Tre, créée en 1979, est attribué au Parti communiste. Cet arrangement entre politiciens venait en fait d’une loi votée au parlement, sous le prétexte du principe de « lotizzazione », qui garantit le pluralisme du service public.

À présent, la Rai semble être devenue une marionnette entre les mains du Cavaliere. Il y nomme ses amis fidèles, partisans politiques, s’invite à sa guise sur les plateaux….
Afin de renforcer sa mainmise sur le groupe audiovisuel, le Président du Conseil a choisi de l’étrangler financièrement, en décidant de ne plus augmenter la redevance, pourtant l’une des plus basses d’Europe (107euros).

Dernièrement, Berlusconi a également imposé une alliance entre la Rai et son groupe Mediaset pour contrer l’expansion audiovisuelle du mania des medias Ruport Muroch en Italie.

Pendant les récents scandales liés à Noemie Letizia ou ses escort girls, il n’a d’ailleurs pas hésité à s’inviter sur les plateaux de la Rai, au TG1 (journal télévisé de Rai Uno), qui rassemble quotidiennement 7 millions de téléspectateurs.

Michele Santoro, journaliste politique et animateur de nombreux magazines sur la Rai, a été licencié en 2002.  Toujours la même chanson, Berlusconi lui reproche « de faire un usage criminel de la télévision publique ». Il est finalement réintégré sur Rai Due en 2005, après une décision de justice. Avec son magazine hebdomadaire « Anno Zero », qui connaît des records d’audience, le journaliste a repris sa bataille contre Berlusconi. Il n’a pas froid aux yeux : la direction a pourtant suspendu les contrats des journalistes qui y collaborent.
Fin septembre, 7 millions de téléspectateurs suivaient avec attention le récit des filles qui ont fréquenté les soirées du Président du Conseil. Patrizia D’Addario, la calll girl ayant passé une nuit avec le Cavaliere, avant d’être candidate sur une liste berlusconienne au conseil municipal de Bari,a déclaré pour la 1e fois que Silvio « connaissait son métier », ce qu’il a toujours nié.


Le 3 octobre, une manifestation pour la liberté de la Presse a rassemblé 100 000 personnes à Rome. En direct, Augusto Minzolini, le directeur du TG1, placé à ce poste par le Cavaliere, avait alors parlé d’«une manifestation incompréhensible dirigée contre Berlusconi ». Indignés, des journalistes de la Rai, de droite comme de gauche, ont obtenu que le Comité de la Rédaction oblige la chaîne à faire valoir un point de vue opposé. Le directeur du TG1 a été convoqué par le Comité de vigilance de la Rai, se faisant simplement rappeler à l’ordre.

Lors de la manifestation, de nombreuses pancartes indiquaient « Nous sommes tous des canailles ». Allusion ironique aux propos de Berlusconi, lorsqu’il faisait référence à certains journalistes de la Rai…

« Vous êtes au journalisme ce que la chaise électrique est à la Vérité’ a ironisé l’ancien juge Antonio di Pietro, fondateur du parti d’opposition « Italia dei Valori », à propos de Bruno Vespa (ancien directeur du TG1) et Augusto Minzolini. Depuis, Rai Uno est dans l’obligation de ne plus diffuser des images de Di Pietro et des activités de son parti !

Enfin, mercredi 7 octobre, un arrêt de la Cour Constitutionnelle lève l’immunité judiciaire de Berlusconi. Quelques heures après, il s’invite par téléphone à l’émission « Porta a Porta » de Bruno Vespa, un de ses fidèles amis. Il n’hésite pas à dénoncer « les toges rouges », « la justice de gauche »… Allant bien plus loin que Sarkozy avec Arlette Chabot sur France 2, il insulte Rosy Bindi, vice présidente de la Chambre des députés, et députée du Parti démocrate (centre gauche), qui le contredisait : « Vous êtes plus belle qu’intelligente ! », avait-il lancé. Sur le plateau, personne ne réagit. La députée ne se laisse pas démonter et lui rétorque : »Évidemment, je suis une femme qui n’est pas à votre disposition », faisant référence à l’affaire des call girls qu’il aurait engagé. 

Berlusconi et la liberté de la Presse en Italie (2/2)


Berlusconi et la Presse

Tout d’abord, nous observerons qu’il existe 11 journaux de droite :  Il Giornale, Libero, Il Foglio, Il resto del Carlino, La Nazione, Il giorno, Il Tempo, La padania, Il sole 24 ore, et l’hebdomadaire Panorama.
Nous avons ensuite 5 journaux de centre droite : Il Corriere della Sera, la Stampa,Il Messaggero, l’Osservatore romano.
Et à gauche… seulement 5 journaux : la Repubblica, l’Unità, Il Manifesto, Liberazione, l’Espresso.
 Je fait alors une recherche pour savoir qui est le directeur du principal journal de droite, Il Giornale. Quelle ne fut pas ma surprise lorsque j’ai découvert que depuis 1987, la famille…
BERLUSCONI en était propriétaire ! Nous parlons du 7e journal d’information le plus diffusé en Italie…
Le directeur de Libero quant a lui, est Vittorio Feltri. Ce charmant homme rencontre Paolo Berlusconi, éditeur de Il Giornale en 1994, qui lui propose la direction du journal. Il y reste jusqu’en 1997 puis en 2000 il fonde Libero, journal libéral conservateur, qui n’hésite pas à défendre Berlusconi régulièrement. D’ailleurs, il finit par quitter la direction en 2009, pour revenir à la direction d’Il Giornale.
C’est Maurizio Belpietro qui lui succède comme directeur de Libero. J’apprends qu’il était vice-directeur avec Feltri d’Il Giornale, en 1994 !
 Venons en à Il Foglio. Le directeur du journal est Giuliano Ferrara, ancien communiste devenu l’un des plus fidèles du Cavaliere. Il est ministre des « rapports avec le Parlement » lors du premier gouvernement de Berslusconi en 1994.  De ministre, il passe rapidement à conseiller du Président du Conseil !

C’est pourquoi je ris lorsque Berlusconi déclare que la presse écrite est« contrôlée à 85% par la gauche » !

Récemment, il a réclamé en Justice 1 millions d’euros de dommages et intérêts aux quotidiens La Repubblica et L’Unità pour la publication de questions sur sa vie politique et privée. Par ailleurs, Berlusconi a également déposé des plaintes contre le quotidien El Pais, en Espagne, qui avait publié des photos de filles nues lors des soirées du Président du Conseil dans sa résidence privée en Sardaigne, la villa Certosa. Le Président du Conseil s’est même attaqué à notre hebdomadaire français Le Nouvel Observateur, pour un article intitulé « sexe, pouvoir, et mensonge », relatant une possible infiltration de la mafia russe au sein de l’Etat italien…

Réactions et dénonciations internationales
"Etant donné que Mediaset et la RAI totalisent environ 90% des parts d'audience de la télévision et plus des trois quarts des ressources de ce secteur, M. Berlusconi exerce un contrôle sans précédent sur le média le plus puissant en Italie", avait dénoncé dans une résolution le 24 juin 2004 l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.
Cette assemblée portait sur la monopolisation des médias électroniques et la possibilité d’abus de pouvoir en Italie. Le 22 avril 2004, une résolution du Parlement européen sur les risques de violation, dans l’UE, de la liberté d’expression et d’information, fait les même observations sur le duopole Rai et Mediaset.
Le 21 septembre 2009, le représentant de l’Osce pour la liberté des médias a sommé le Président du Conseil italien de retirer ses plaintes contre La  Repubblica et l’Unità.  «Le questionnement permanent, même partisan, est un instrument de la fonction corrective des médias. Le droit de savoir du public inclut inévitablement le droit des médias à poser la question», insiste le représentant de l'OSCE dans un communiqué.
De même, l’Institut International de la Presse, le 7 octobre, a appelé Silvio Berlusconi à abandonner ses poursuites des médias le critiquant, et à garantir l’indépendance de la RAI. «L’IPI exhorte l’Italie à mettre rapidement en place des mécanismes garantissant l’indépendance éditoriale de la radio-télévision publique et appelle le Premier ministre italien à renoncer à sa plainte pour diffamation contre La Repubblica », a déclaré son directeur, David Dadge, dans un communiqué
Jeudi 8 octobre, le Parlement européen devait débattre sur le liberté de la Presse en Italie, malgré l’opposition des élus de droite. La question du duopole Rai et Mediaset sera notamment en ligne de mire : une loi européenne pour limiter les concentrations sera proposée.



Manifestation pour la liberté de la presse, la loi Alfano invalidée par le Conseil Constitutionnel, une lueur d'espoir?

« Non à la laisse ! » disaient les slogans de la manifestation pour la liberté de la presse  , le 3 octobre, à Rome. Elle a tout de même rassemblé 100 000 personnes. Preuve qu’une bonne partie de la population n’est pas dupe et souhaiterait un réel changement. L’intervention de Roberto Saviano , auteur du célèbre Gomorra ( et mon idole, vous le comprendrez bien vite !), a du réveiller les consciences.  Je rappelle au passage que cet auteur vit à présent caché, escorté de cinq gardes du corps, après avoir écrit un livre sur la Camorra, mafia napolitaine. Il est en danger de mort. Il sait donc de quoi il parle, lorsqu’il déclare:  «la vérité et le pouvoir ne coïncident jamais ».


Peu de jours après, le mercredi 7 octobre, un arrêt de la Cour Constitutionnelle lève l’immunité judiciaire du Président du Conseil : la loi Alfano est déclarée inconstitutionnelle .
Un premier pas de la justice pour contrer les excès de Berlusconi ?
En tous cas, cela a permis de rouvrir le dossier de l’Affaire David Mills (voir plus haut).

En attendant, in bocca al lupo (bonne chance) et courage aux défenseurs de la liberté de la presse en Italie !

mercredi 21 octobre 2009

Liberté de la Presse : La France classée 43e par RSF

Reporters sans frontières vient de publier son 8e classement mondial de la liberté de la presse. La France n'est classée que 43e, perdant 8 places par rapport à l'année précédente. Devant elle, se trouvent de jeunes démocraties africaines comme le Mali, l'Afrique du Sud, le Ghana ou latino-américaines comme l'Urugay,Trinidad et Tobago. Surprenant, non?

Toutes les formes de violation de la liberté de la presse sont abordées, de septembre 2008 à Août 2009. 

Lorsqu’on observe le rapport de notre actuel Président avec la Presse, le classement de RSF n’est plus si surprenant.

Voici quelques rappels...

 Février 2008 : lorsque Le Nouvel Observateur –fait l’erreur- de révéler une rumeur selon laquelle Sarkozy aurait envoyé un texto à Cécilia, la fameux « si tu reviens, j’annule tout », Sarkozy s’empresse de porter plainte au pénal contre l’infâme journal menteur. Pour sa défense, le journal devra révéler sa source… Rappelons l’article 109 du code pénal français : "Tout journaliste, entendu comme témoin sur des informations recueillies dans l'exercice de son activité, est libre de ne pas en révéler l'origine"…

13 Février 2008 : les locaux de France Inter sont perquisitionnés pendant les grèves du service public, afin de saisir les CD d’une émission sur la mort du journaliste Jean Pascal Couraud, ayant notamment enquêté sur un supposé compte japonais de Jacques Chirac.

26 juin 2008 : le chef de l’Etat décide de faire nommer par le gouvernement le Président de France Télévisions !

30 juin 2008 : Rue89 récupère une « vidéo off » de Nicolas Sarkozy, juste avant une interview sur France 3Le Président y fustige le service public, s’assure que tel ou tel sujet sera bien abordé, et rappelle sa protestation contre la « mise au placard » d’un journaliste… Sur pression de l’Élysée,  les avocats de  France 3 somment Rue89 de leur révéler comment ils se sont procurés la vidéo, ainsi que de la détruire. France 3 a également porté plainte contre X pour « vol, recel et contrefaçon ». Ce qui a entraîné la convocation de 4 journalistes de Rue89 et de la chaîne télévisée à la police judiciaire.

Début octobre 2008 : neuf mises en examens ont lieu à Médiapart à la demande de dirigeants de la Caisse nationale des Caisses d'Epargne.

29 novembre 2008 : Vittorio de Fillippis, un journaliste de Libération est humilié par la police.  Directeur de la publication pendant la période de transition July-Joffrin, il est considéré comme responsable de tout ce qui fut publié à l’époque.  Dont une  affaire de diffamation à l'encontre de Xavier Niel, fondateur de Free, le fournisseur d'accès à Internet… Ce qui lui vaut d’être mis en garde à vue.

23 janvier 2009 : Sarkozy présente aux journalistes les mesures gouvernementales en faveur de la presse, suite aux Etats Généraux de la Presse. "Votre indépendance, vous la mettez en berne un jour comme aujourd'hui, lorsqu'il s'agit de venir quérir des subventions".  La couleur est vite annoncée…

23 septembre 2009 : Sarkozy humilie Arlette Chabot en public. Après un entretien télévisé à France 2, en coulisses, devant d'autres personnes, Sarkozy et son ministre des Affaires étrangères, B.Kouchner, ont une discussion animée à propos de leurs désaccords sur l’Iran. Arlette Chabot  directrice générale de le chaîne, ironise « cela fait un beau débat sur France 2 ». Nicolas Sarkozy, manifestement, pique une crise de nerf, en se plaignant de l’absence de « vraies émissions politiques » dans le service public.

16 octobre 2009 : (auto)censure ?  Les commentaires des internautes du Figaro.fr, à propos d'un édito d'Etienne Mougeotte  sont supprimés. Le directeur des rédactions du Figaro signe un édito défendant explicitement Nicolas Sarkozy, actuellement désapprouvé au sein de sa majorité. Les commentaires des lecteurs, très critiques, mais rarement insultants, sont effacés : on passe de plus de 140 commentaires à 76.

Enfin, n’oublions pas que Martin Bouygues, patron de TF1, Lagardère, patron du groupe gérant Paris Match, Europe 1, Le Journal du dimanche, Serge Dassault, propriétaire du Figaro, et Bernard Arnault, propriétaire des Echos et de la Tribune, sont tous des amis proches de Nicolas Sarkozy.

De plus, est-il acceptable qu’en France, des groupes industriels possèdent les journaux, au lieu de vrais groupes de presse comme il en existe au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis ? 

 

 

 

 

 

 

 

 

mercredi 7 octobre 2009