mercredi 30 décembre 2009

"Né Dans la Rue, Graffiti" à la Fondation Cartier jusqu'au 10 janvier

Un matin, dans la rue. Je marche aux côtés de mon père. Nous passons devant un magasin fermé, dont le store est rabaissé. Un homme, accroupi sur un escabeau, le visage protégé d'un foulard, armé de deux bombes aérosol, réalise de magnifiques esquisses sur cette toile de fer. Un superbe couchant sur une plage paradisiaque vient progressivement remplacer le gris hideux de la paroie métallique. Quand soudain...
Une vieille dame s'exclame, verte de rage : "Allez faire vos cochonneries ailleurs, vous n'avez pas honte?"
L'artiste se retourne, interloqué. On devine alors un sourire amusé à travers son foulard.
Il ne dit mot. Chacun poursuit son chemin. Sans doute avait-il été payé pour repeindre le store, ou peut-être était-il même le propriétaire du magasin.
Mais quand bien même cela aurait-été illégal, j'avais trouvé son graffiti magnifique, bien plus coloré et chaleureux que le banal rideau de fer.
 Pour la vieille dame, pourtant, un graffiti, ce n'était pas de l'Art....

Voilà une des raisons qui m'ont poussé à aller voir l'exposition "Grafitti, Né Dans la Rue", à la Fondation Cartier.


  Tous les coins et recoins de la Fondation Cartier semblent avoir été mobilisés pour l'occasion : dès votre arrivée, vous pourrez admirer la belle façade de la Fondation entièrement recouverte de Tags.
Près de l'entrée, plusieurs panneaux ont été installés afin de permettre à des artistes reconnus de réaliser plusieurs grafitti, en permanence. Attention, "Work in Progress" ! Les parfums relevés des bombes aérosol sauront vous mettre d'emblée dans l'ambiance.

L'exposition commence au sous-sol. Vous devrez pour cela descendre un escalier entièrement recouvert de tags en tous genre. Dans cette partie de l'exposition, vous serez transportés à New York dans les années 1970.
C'est là que de jeunes adolescents des quartiers pauvres, âgés de 12 à 16 ans, se sont amusés à griffonner sur les murs leur "signature", alias "tag": un surnom suivi d'un numéro, correspondant au numéro de la rue dans laquelle ils habitaient.
Une immense salle vous attend, dans laquelle ont été disposés de biais trois énormes panneaux, incrustés de croquis, photographie, et projections de vidéos sur les graffitis de l'époque, ainsi que son contexte socio-culturel.
Sur trois des murs de la salle, vous pourrez admirer des graffiti géants des célèbres graffeurs P.H.A.S.E. 2, Part 1 et Seen. Il s'agit de reproductions de "whole car", ces graffiti réalisés sur toute la surface d'un wagon de métro (et parfois plusieurs wagons d'une même rame!).
Le grafitti est en effet né dans le métro newyorkais. Sous les tunnels, sur les murs, puis, progressivement, sur les wagons des trains.

Vous pourrez alors vous amuser à reconnaître les différents "writing styles" (le lettrage) :
==> Bubble Style


==> Block Style


==> Wild Style :


==> Effet 3D (ajouté au Wild Style)


Vous aurez également l'occasion de visionner des vidéos avec divers témoignages d'anciens graffeurs de l'époque. Certains se disent nostalgique de cette époque. Réaliser un tag ou un grafitti dans les années 1970, en effet, n'avait rien de banal. Il s'agissait d'un délit, et beaucoup de jeunes garçons de 15 ans se retrouvaient  alors en prison quelques jours. D'où le plaisir provoqué par l'aspect interdit, et la montée d'adrénaline que ces jeunes devaient ressentir lorsqu'il sortaient leur bombe pour réaliser leur tags...

Illégal, certes, mais surtout dangereux. Les graffeurs devaient attendre la nuit pour pénétrer  dans les sous-sol du métro, souvent par des trappes. Ensuite, gare aux chocs électriques ou aux trains encore en marche arrivant par mégarde à toute vitesse... Nombreux sont les jeunes adolescents qui sont morts ainsi écrasés, sectionnés, parfois sous les yeux de leur amis  pour avoir voulu exprimer leurs émotions et leur imagination.

La salle suivante est dédiée à l'expansion du mouvement à l'International et dans d'autres secteurs. Ce sera l'occasion de (re)découvrir Jean-Michel Basquiat ou Keith Haring,  et de suivre l'évolution du mouvement d'une opinion très défavorable (voir la vidéo sur la chasse aux grafitti à New York) vers la consécration d'un Art urbain reconnu avec l'ouverture de premières galleries, puis son appropriation par le mouvement Hip-Hop.


Jean Michel Basquiat 




Keith Haring
                     
Un couloir souterrain, recouvert de tags multicolors (murs, plafond, portes, et même jusque dans les toilettes..) vous conduira aux escaliers afin que vous puissiez regagner le rez-de-chaussée.

Une fois arrivés, je vous conseille d'aller faire un tour dans la salle de projection : plusieurs court-métrages très intéressants y sont diffusés, dont un en particulier sur la "pixaçao", récent mouvement brésilien de "graffeurs" à Sao Paulo. On y apprend comment les jeunes des quartiers les plus pauvres, tous comme ceux de New-York, réalisent des tags à leur risques et périls, afin de se faire une place dans la société. Pour certains, la "pixaçao", c'est un Art marginalisé, un Art de la pauvreté, un Art urbain.... pour d'autres, une simple forme d'expression. Le "pixo" se réalise un peu partout, jusque sur les façade des immeubles, parfois haut, très haut (là aussi, entre les chutes et les électrocutions, les accidents sont fréquents). La répression est violente. Les "pixadores" n'ont pas hésité à faire un "happening" à la 28e biennale de Sao Paulo, en 2008, afin de protester contre la commercialisation et l'institutionnalisation de la culture...

Enfin, vous pouvez terminer votre parcourt par le grand hall du rez de chaussée, où sont exposées les oeuvres d'Artistes-graffeurs contemporains, ou bien faire un tour dans le jardin de la Fondation y découvrir d'autres surprises...

Mais l'exposition ne se termine jamais vraiment... Elle vous poursuivra dans le métro, lorsque vous rentrerez chez vous : vous verrez, après, on ne regarde plus les grafitti d'un même oeil !

Infos Pratiques : 
Exposition prolongée jusqu'au 10 janvier.
261 Boulevard Raspail, Paris 14e.
Métro Raspail ou Denfert-Rochereau (lignes 4 et 6)
Tarif : 6,50euros - 4,50euros en tarif réduit.


Prévoir environ 2h pour toute l'exposition.


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