jeudi 26 août 2010

Gros bras des bars

Après une période de pause pendant l'été, Voici un nouvel article publié sur 2h27.fr:

« Hop hop hop on ne va pas plus loin monsieur! À partir de 21h on ne peut plus boire d’alcool dehors« . Un jeune homme, un verre de bière à la main, lève les yeux et dévisage le vigile. Il fait à peu près deux têtes de plus que lui et sa carrure d’homme-armoire lui ôte d’emblée toute tentative de rébellion.

« Bon bon ça va, je reste là« , consent le jeune homme, en allant rejoindre ses amis sur la terrasse du Point Ephémère, un bar parisien sur les quais du Canal Saint Martin.

« C’est vrai que c’est tentant d’aller siroter son verre sur le bord du canal. Mais c’est la loi, après 21h, on ne laisse plus les gens boire de l’alcool sur la voie publique. Et puis il y a une caserne de pompiers juste à coté, donc on évite qu’il y ait trop de monde sur les quais pour laisser passer les camions. »

Malgré sa stature – à vue de nez, 1m95 et 90 kilos – Jimmy, 32 ans, n’a pas l’air plus méchant que ça. Un gros nounours qu’il vaut mieux éviter de provoquer, c’est tout.

« Ca fait dix ans que je bosse comme vigile. Le Point Ephémère, j’y suis depuis son ouverture, en 2004. Avant, je travaillais pour des boîtes de nuit. Mais c’était trop risqué alors j’ai voulu changer. Au Privé, [boîte de nuit au métro Bonne Nouvelle, ndlr] j’ai tenu deux ans. Tous les soirs, systématiquement, on avait des emmerdes. »

Jimmy a même déjà failli y laisser sa peau: « une nuit, je travaillais dans une péniche. Un mec est arrivé avec une carabine et a tiré plusieurs fois contre la porte. Heureusement, elle était blindée. »

Puis au bout de quatre ans, Jimmy a voulu changer de rythme. « La plupart du temps, il fallait séparer des mecs qui se battaient entre eux. Alors oui, plus d’une fois, j’ai user de ma force. En plus, je bossais tous les week-end, je n’avais pas de temps pour moi. »

Au Point Ephémère, au contraire, l’ambiance est  bon enfant: « ici ça n’a rien à voir. La clientèle est plus bobo, c’est moins risqué. Je fais du 19h-02h du mat’, mais parfois je reste toute la nuit. Ce soir par exemple, il y a une soirée gratuite, donc on aura besoin de moi jusqu’à 5h du matin"

Moins risqué certes, mais pas de tout repos non plus. Jimmy est toujours aux aguets: « toutes les deux minutes, il y a un mec que je dois empêcher d’aller boire en dehors de la terrasse. Je dois aussi veiller à ce que la porte du club reste bien fermée, sinon il y a trop de bruit et les riverains risquent d’appeler la police. Et puis à l’intérieur, il peut y avoir des pickpockets.  Je dois vraiment rester jusqu’à la fermeture… n’importe qui pourrait entrer et piller la caisse. »

Il faut dire qu’avant,  parallèlement à son activité de vigile, Mr. baraqué était ponctuellement garde du corps  pour des personnalités d’Arabie Saoudite. « C’était plus tranquille, il suffisait de marcher près d’eux, rien de plus! » ironise-t-il. Il n’en dira pas plus sur les V.I.P. en question…


Outre la fatigue, ce qui gêne surtout Jimmy, c’est de manquer de temps pour profiter de sa femme. Car notre colosse est en fait un grand romantique: « Quand je rentre vers 3h du matin, elle dort déjà. Lorsqu’elle se lève pour aller au boulot, je dors profondément. Elle rentre du travail vers 17h, ce qui nous laisse un peu plus d’une heure pour se voir avant que je parte au boulot. Heureusement on se rattrape le week-end ».

Mis à part cet inconvénient, Jimmy apprécie ce décalage horaire: « Je peux dormir jusqu’à 15h. Ensuite, j’ai l’après-midi entière pour moi. J’en profite pour aller faire du sport avec des potes: je suis un gros amateur de boxe et de lutte. Sinon, je vais rendre visite à ma mère, ou faire des courses. C’est l’idéal, il y a personne aux caisses! »

En somme, un gros bras avec un coeur gros comme ça.