dimanche 1 novembre 2009

Berlusconi et la liberté de la Presse en Italie (1/2)


La France a été classée 43e dans le classement annuel de RSF sur la liberté de la presse, mais l’Italie… 49e !

Silvio Berlusconi contrôle les deux plus grands groupe télévisés d’Italie : Mediaset, groupe médiatique dont il est le fondateur et propriétaire, et la Rai, dont il détient les 3 plus grosses chaînes, où sont placés à la direction ses plus fidèles amis. Mediaset et la Rai détiennent 88% des part d’audience en Italie.
Or en Italie, la Télévision, c’est un culte. Elle est partout. Dans le salon, mais aussi dans la cuisine et dans sa chambre. Elle est allumée 24/24h. Selon plusieurs sondages, 70% des italiens se forment une opinion par la télévision.
Berlusconi est également le propriétaire de Il Giornale, l’un des principaux journaux de droite…

Berlusconi et Mediaset
Silvio Berlusconi est le propriétaire et le directeur de Mediaset, groupe de media détenant 44% des parts d’audience de la TV en Italie.
Mediaset contrôle les principales chaînes de télévision Canale 5, Italia Uno et Rete 4. Le goupe fait partie de la holding Finivest, empire financier de Berlusconi.
Marina et Piersilvio Berlusconi, ses deux aînés, occupent des postes de direction à Mediaset et Finivest. En Italie, ce qui compte par dessus tout, c’est la famiglia ! 

L'affaire Mediaset

Le 26 avril 2005, le Parquet de Milan demande le renvoi de Silvio Berlusconi dans une affaire de droits de retransmission impliquant Mediaset.
Selon les magistrats, Mediaset a artificiellement gonflé, grâce à des sociétés écrans off shore, le prix d’achat des droits de diffusion de films américains. Le groupe de Berlusconi aurait pu ainsi constituer des caisses noires à l’étranger et diminuer en Italie ses bénéfices afin de payer moins d’impôts ! L’affaire remonte à 1994-1995, mais Berlusconi avait été acquitté en 1998.
L’affaire devient « affaire David Mills » lorsqu’on apprend qu’il a versé 60 000 dollars en 1997 à l’avocat David Mills en échange de faux témoignages et de la destruction de documents lors des procès intentés contre lui en 1997 et 1998.
Berlusconi est cité à comparaître début décembre 2005  par le parquet de Milan mais ne se rend pas à la convocation. Ce n’est qu’en octobre 2007 que Silvio Berlusconi et David Mills comparaissent devant le tribunal de Milan.
Or, Silvio est réélu Président du conseil en avril 2008, après la chute du gouvernement démocrate de Romano Prodi (2006-2008). Trois mois après, le 23 juillet 2008, le Cavaliere fait voter la fameuse loi Alfano lui garantissant l’immunité judiciaire tant qu’il occupera la fonction de Président du Conseil.
Tiens donc ! Aurait-il quelque chose à se reprocher ?


Berlusconi et la Rai : Tv publique ou TV d’Etat ?

L’ «edit Bulgare »
En avril 2002, Berlusconi est en visite officielle en Bulgarie. Il accuse alors trois journalistes de la Rai de faire un usage criminel de la télévision publique par leurs attaques et provoque leurs licenciements.

2007 : une entente entre Mediaset et la Rai
L’affaire éclate en 2007, mais remonte à 2004-2005. Des écoutes sont effectuées dans le cadre d’une enquête judiciaire, et montrent que des proches du Cavaliere, occupant des postes de direction à la Rai, s’entendent avec la direction de Mediaset avant de prendre des décisions éditoriales, notamment lorsqu’il s’agit de couvrir la vie politique ou privée de Berlusconi, alors Président du Conseil.
Au banc des accusés, Deborah Bergamin, ancienne assistante de Berlusconi et à l’époque responsable de la programmation de la Rai, et l’ancien directeur général (2003-2005) de la TV publique Flavio Cattaneo.


La Rai aujourd’hui 
Dans un article du journal Le Monde daté du 21 octobre, (dont je m’inspire fortement) Alessandra Mancuso, journaliste au JT de Rai Uno, témoigne : « « Nous traversons le pire moment de notre histoire (…) Depuis le retour de Berlusconi, nous avons de moins en moins d’autonomie et d’indépendance ». La journaliste ajoute : « Les médias, et particulièrement la télévision, sont son obsession. Le problème est qu’il contrôle directement la Rai, où il a placé à sa tête des hommes de confiance».

Que le pouvoir ait été de gauche ou de droite, la Rai a toujours entretenu des relations étroites avec le gouvernement. Depuis 1945 et jusqu’aux années 1990, c’est la Démocratie chrétienne, au pouvoir sans interruption, s’était attribuée la chaîne Rai Uno. Le Parti Socialiste lui détenait Rai Due, et Rai Tre, créée en 1979, est attribué au Parti communiste. Cet arrangement entre politiciens venait en fait d’une loi votée au parlement, sous le prétexte du principe de « lotizzazione », qui garantit le pluralisme du service public.

À présent, la Rai semble être devenue une marionnette entre les mains du Cavaliere. Il y nomme ses amis fidèles, partisans politiques, s’invite à sa guise sur les plateaux….
Afin de renforcer sa mainmise sur le groupe audiovisuel, le Président du Conseil a choisi de l’étrangler financièrement, en décidant de ne plus augmenter la redevance, pourtant l’une des plus basses d’Europe (107euros).

Dernièrement, Berlusconi a également imposé une alliance entre la Rai et son groupe Mediaset pour contrer l’expansion audiovisuelle du mania des medias Ruport Muroch en Italie.

Pendant les récents scandales liés à Noemie Letizia ou ses escort girls, il n’a d’ailleurs pas hésité à s’inviter sur les plateaux de la Rai, au TG1 (journal télévisé de Rai Uno), qui rassemble quotidiennement 7 millions de téléspectateurs.

Michele Santoro, journaliste politique et animateur de nombreux magazines sur la Rai, a été licencié en 2002.  Toujours la même chanson, Berlusconi lui reproche « de faire un usage criminel de la télévision publique ». Il est finalement réintégré sur Rai Due en 2005, après une décision de justice. Avec son magazine hebdomadaire « Anno Zero », qui connaît des records d’audience, le journaliste a repris sa bataille contre Berlusconi. Il n’a pas froid aux yeux : la direction a pourtant suspendu les contrats des journalistes qui y collaborent.
Fin septembre, 7 millions de téléspectateurs suivaient avec attention le récit des filles qui ont fréquenté les soirées du Président du Conseil. Patrizia D’Addario, la calll girl ayant passé une nuit avec le Cavaliere, avant d’être candidate sur une liste berlusconienne au conseil municipal de Bari,a déclaré pour la 1e fois que Silvio « connaissait son métier », ce qu’il a toujours nié.


Le 3 octobre, une manifestation pour la liberté de la Presse a rassemblé 100 000 personnes à Rome. En direct, Augusto Minzolini, le directeur du TG1, placé à ce poste par le Cavaliere, avait alors parlé d’«une manifestation incompréhensible dirigée contre Berlusconi ». Indignés, des journalistes de la Rai, de droite comme de gauche, ont obtenu que le Comité de la Rédaction oblige la chaîne à faire valoir un point de vue opposé. Le directeur du TG1 a été convoqué par le Comité de vigilance de la Rai, se faisant simplement rappeler à l’ordre.

Lors de la manifestation, de nombreuses pancartes indiquaient « Nous sommes tous des canailles ». Allusion ironique aux propos de Berlusconi, lorsqu’il faisait référence à certains journalistes de la Rai…

« Vous êtes au journalisme ce que la chaise électrique est à la Vérité’ a ironisé l’ancien juge Antonio di Pietro, fondateur du parti d’opposition « Italia dei Valori », à propos de Bruno Vespa (ancien directeur du TG1) et Augusto Minzolini. Depuis, Rai Uno est dans l’obligation de ne plus diffuser des images de Di Pietro et des activités de son parti !

Enfin, mercredi 7 octobre, un arrêt de la Cour Constitutionnelle lève l’immunité judiciaire de Berlusconi. Quelques heures après, il s’invite par téléphone à l’émission « Porta a Porta » de Bruno Vespa, un de ses fidèles amis. Il n’hésite pas à dénoncer « les toges rouges », « la justice de gauche »… Allant bien plus loin que Sarkozy avec Arlette Chabot sur France 2, il insulte Rosy Bindi, vice présidente de la Chambre des députés, et députée du Parti démocrate (centre gauche), qui le contredisait : « Vous êtes plus belle qu’intelligente ! », avait-il lancé. Sur le plateau, personne ne réagit. La députée ne se laisse pas démonter et lui rétorque : »Évidemment, je suis une femme qui n’est pas à votre disposition », faisant référence à l’affaire des call girls qu’il aurait engagé. 

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