jeudi 26 août 2010

Gros bras des bars

Après une période de pause pendant l'été, Voici un nouvel article publié sur 2h27.fr:

« Hop hop hop on ne va pas plus loin monsieur! À partir de 21h on ne peut plus boire d’alcool dehors« . Un jeune homme, un verre de bière à la main, lève les yeux et dévisage le vigile. Il fait à peu près deux têtes de plus que lui et sa carrure d’homme-armoire lui ôte d’emblée toute tentative de rébellion.

« Bon bon ça va, je reste là« , consent le jeune homme, en allant rejoindre ses amis sur la terrasse du Point Ephémère, un bar parisien sur les quais du Canal Saint Martin.

« C’est vrai que c’est tentant d’aller siroter son verre sur le bord du canal. Mais c’est la loi, après 21h, on ne laisse plus les gens boire de l’alcool sur la voie publique. Et puis il y a une caserne de pompiers juste à coté, donc on évite qu’il y ait trop de monde sur les quais pour laisser passer les camions. »

Malgré sa stature – à vue de nez, 1m95 et 90 kilos – Jimmy, 32 ans, n’a pas l’air plus méchant que ça. Un gros nounours qu’il vaut mieux éviter de provoquer, c’est tout.

« Ca fait dix ans que je bosse comme vigile. Le Point Ephémère, j’y suis depuis son ouverture, en 2004. Avant, je travaillais pour des boîtes de nuit. Mais c’était trop risqué alors j’ai voulu changer. Au Privé, [boîte de nuit au métro Bonne Nouvelle, ndlr] j’ai tenu deux ans. Tous les soirs, systématiquement, on avait des emmerdes. »

Jimmy a même déjà failli y laisser sa peau: « une nuit, je travaillais dans une péniche. Un mec est arrivé avec une carabine et a tiré plusieurs fois contre la porte. Heureusement, elle était blindée. »

Puis au bout de quatre ans, Jimmy a voulu changer de rythme. « La plupart du temps, il fallait séparer des mecs qui se battaient entre eux. Alors oui, plus d’une fois, j’ai user de ma force. En plus, je bossais tous les week-end, je n’avais pas de temps pour moi. »

Au Point Ephémère, au contraire, l’ambiance est  bon enfant: « ici ça n’a rien à voir. La clientèle est plus bobo, c’est moins risqué. Je fais du 19h-02h du mat’, mais parfois je reste toute la nuit. Ce soir par exemple, il y a une soirée gratuite, donc on aura besoin de moi jusqu’à 5h du matin"

Moins risqué certes, mais pas de tout repos non plus. Jimmy est toujours aux aguets: « toutes les deux minutes, il y a un mec que je dois empêcher d’aller boire en dehors de la terrasse. Je dois aussi veiller à ce que la porte du club reste bien fermée, sinon il y a trop de bruit et les riverains risquent d’appeler la police. Et puis à l’intérieur, il peut y avoir des pickpockets.  Je dois vraiment rester jusqu’à la fermeture… n’importe qui pourrait entrer et piller la caisse. »

Il faut dire qu’avant,  parallèlement à son activité de vigile, Mr. baraqué était ponctuellement garde du corps  pour des personnalités d’Arabie Saoudite. « C’était plus tranquille, il suffisait de marcher près d’eux, rien de plus! » ironise-t-il. Il n’en dira pas plus sur les V.I.P. en question…


Outre la fatigue, ce qui gêne surtout Jimmy, c’est de manquer de temps pour profiter de sa femme. Car notre colosse est en fait un grand romantique: « Quand je rentre vers 3h du matin, elle dort déjà. Lorsqu’elle se lève pour aller au boulot, je dors profondément. Elle rentre du travail vers 17h, ce qui nous laisse un peu plus d’une heure pour se voir avant que je parte au boulot. Heureusement on se rattrape le week-end ».

Mis à part cet inconvénient, Jimmy apprécie ce décalage horaire: « Je peux dormir jusqu’à 15h. Ensuite, j’ai l’après-midi entière pour moi. J’en profite pour aller faire du sport avec des potes: je suis un gros amateur de boxe et de lutte. Sinon, je vais rendre visite à ma mère, ou faire des courses. C’est l’idéal, il y a personne aux caisses! »

En somme, un gros bras avec un coeur gros comme ça.

samedi 8 mai 2010

Voulez-vous échanger avec moi ce soir ?


À nouveau, voici un article publié sur http://www.2h27.fr
Blog créé avec 8 autres étudiants de l'École de Journalisme de Sciences-po.


Quand on pousse la porte du Mooncity, on a l'impression de débarquer en Inde. Une Inde qui n'a oublié aucune des soixante-quatre positions du Kamasutra. Avec ses statues de Krishna et de Vishnu, Mooncity est l'un des clubs échangistes les plus réputés de la capitale. Inutile de préciser qu'il s'y passe de drôles de choses la nuit...

Minuit. Nous arrivons à Pigalle. Boulevard Clichy, les enseignes aux lettres rouges donnent le ton : Peep Shows, Strip Tease, Sex Shops... et les vitrines abondent en mannequins dénudés aux postures coquines.
Dans cette jungle du sexe, un éléphant nous observe. Avec ses huit pattes d’un gris acier, il surplombe une porte d’entrée en bois massif : celle du Mooncity. Le jour-même, on nous en avait parlé : femmes nues, bains fumants, hommes aux aguets… le Mooncity est ce qu’on appelle un sauna "libertin".
Intriguées, nous nous rapprochons du repaire de l'éléphant. Quand soudain, une voix nous interpelle :
"Vous cherchez quelque chose, mesdemoiselles ? "
Sursaut des demoiselles en question. Un beau brun nous regarde, l’air sévère. C’est Olivier, le gérant du Mooncity. Nos sourires ne suffisent pas. Pour les journalistes non-libertines, il faudra repasser et même prendre un rendez-vous pour la semaine prochaine.
Un couple descend les escaliers nonchalamment et rend les clés de leur vestiaire à Olivier. Dont le visage se déride aussitôt :
"- Vous partez déjà ? "
"- Ah oui, ce soir, ce n’était pas top la clientèle. Les ours poilus, très peu pour nous ! " , lance la femme, l'air désappointé.
Avec sa chevelure blonde platine et ses yeux lourdement fardés, elle est un étrange mélange de distinction et de vulgarité. Son mari/amant/compagnon libertin se tient auprès d’elle. Plutôt vieux beau, vieux beauf, il tente d’apaiser le débat devant la grimace d’Olivier :
"Mais chérie, c'est quand même un très bon endroit pour se relaxer*, c’est si clean… Et d’habitude, les gens sont bien choisis par notre Olivier. "

Satisfaire tout le monde, c’est le défi que doit relever Olivier chaque soir. Devant la porte du Mooncity, il joue aux physionomistes :
" Sauf que je ne fais pas de discrimination sur le physique, moi. Il y a des clubs échangistes à Paris qui ne laissent entrer que les Beaux. Moi, je prends aussi les Moches. Ou les Gros. Cette nuit, il y a aussi des femmes rondes. Il faut en avoir pour tous les goûts. "
Et en effet, quand nous pénétrons dans l’antre tantrique - dûment autorisées par le maître des lieux - les silhouettes et les profils sont des plus variés. Accoudée au bar, une langoureuse noire arbore fièrement sa poitrine généreuse. Son compagnon, lui, tente de dissimuler une toute aussi généreuse brioche. Autour d'eux gravitent d'autres corps nus, parfois masqués par un paréo ou une serviette de bain.
Claire, la serveuse, regarde d'un air blasé ce spectacle nudiste. Jean-baskets, décolleté modeste et queue de cheval, elle est là "pour travailler, pas pour en profiter ". Et surtout, elle ne quitte jamais le bar. Pas question de monter à l'étage,  où se trouvent les "coins coquins". Dans ces chambres, parfois privées, parfois ouvertes à tous, les clients assouvissent leurs ardeurs... souvent illégitimes.


Photos du site http://www.mooncity.fr/

"Ici, les hommes viennent souvent retrouver leurs maîtresses. Ça coûte moins cher que l'hôtel et c'est bien plus excitant !
On voit très peu d'hommes seuls ", raconte Claire.
D'ailleurs, les seuls étalons solitaires qu'Olivier accepte au Mooncity, ce sont les habitués, et encore.
"On essaie de ne pas avoir plus de deux hommes seuls par soirée.  Le risque avec eux, c'est qu'ils n'arrivent plus à se contrôler et deviennent trop insistants avec les femmes."
Et de ce pas, il part effectuer une de ses nombreuses rondes de nuit. Surprise, il ne revient pas en tenant par l'oreille un homme tout penaud, mais en portant avec précaution une pipette et un flacon.
"C'est un échantillon de l'eau du jacuzzi. Je vérifie l'acidité. Je vais encore devoir la changer, je crois que certains ont fait les malins dedans..."

Sur le panneau : "L'eau est froide ? Remerciez vos voisins ayant des rapports sexuels dans l'eau... Rapports sexuels = nettoyage = eau froide !!!"

Les derniers clients sortent du jacuzzi. Et confirment : "Elle est froide, l'eau !", râle une femme potelée. Mais peu importe, c'est déjà l'heure de partir. Depuis quelques mois, la préfecture de Paris oblige Olivier à mettre fin aux réjouissances dès 2H30 du matin, le temps d'installer un accès pour les handicapés libertins.
"Mais d'ici quelques jours, on restera ouvert jusqu'à 4h. Les travaux sont finis." assure Olivier.
Derrière le bar, Claire soupire :
"4h du mat'... Je n'ai pas du tout hâte."
Car pour Claire et Olivier, difficile d'avoir une vie en dehors du Mooncity. Petit-déjeuner à 17H, dîner à 6H du matin... 2H27, c'est l'heure de l'apéro afterwork avec les collègues. Mais ce décalage, ce n'est pas le plus compliqué à gérer :
"Quand je rencontre quelqu'un, explique Claire, c'est la fameuse question "Tu fais quoi dans la vie ?" que je redoute le plus. Dès que je parle de mon boulot ici, on me colle l'étiquette "cul" sur la tête... Alors que je ne fais que servir des verres aux clients, et toujours habillée en plus !"
"Gérant d'un club échangiste, ça passe très mal auprès des filles", constate Olivier, l'air désabusé.
Mais l'heure tourne, il est bientôt trois heures du matin. Le Mooncity est vide, les statues indiennes retrouvent la tranquillité. Dans le hammam, le grand Bouddha flotte encore dans un halo de vapeur, qui ne tardera pas à se dissiper. Olivier fait un dernier tour des coins coquins afin de vérifier qu'aucun couple n'essaie d'y passer le reste de la nuit... cette fois-ci en toute intimité.


PARLEZ-VOUS LIBERTIN ?
Nudisme : idéologie que se doit de suivre chaque Mooncitizen. Tout habit est interdit, sauf le traditionnel petit capuchon de caoutchouc.
Préservatif : accessoire obligatoire et distribué à volonté dès l'entrée au Mooncity. "C'est pour que je puisse dormir tranquille", dixit Olivier.

Pagne : paréo ou serviette qu'ont bien voulu nouer autour de leur taille les clients de Mooncity devant nos yeux effarouchés. Et qu'ils délaissent sitôt l'espace bar franchi.
Se relaxer : pour ce faire, prenez une coupe de champagne, un jacuzzi froid, un sauna torride. Ajoutez des oeillades indiscrètes par les fenêtres des chambres coquines. Mélangez le tout, parmi d'autres corps relaxés.


TYPOLOGIE DES LIBERTINS
La Femme Seule : âgée de 25 à 55 ans, elle observe, glousse, et représente 30% de la clientèle de Mooncity. "Elle est souvent là par hasard. Ce qu'elle recherche, c'est surtout de nouvelles expériences ou un peu de danger. Mais souvent, elle se contente de regarder", remarque Olivier, qui cherche à les attirer avec un tarif préférentiel de 12 euros la nuit.
L'Homme Seul : véritable prédateur pour la Femme Seule, c'est avant tout un habitué, prêt à payer 98 euros pour une nuit de débauche. "Certains viennent même plusieurs fois par semaine !", s'étonne Claire.
Couple Libertin : âgés entre 40 et 60 ans, ils ont pour devise "Plus on est de fous, plus on rit" et l'adultère comme philosophie. Ils représentent la majeure partie de la clientèle de Mooncity.
Couple Qui Se Croit Libertin Mais Qui Ne l'Est Pas (CQSCLMQNEP) : Le cap des trente ans passés, leur vie sexuelle commence à s'étioler. lls sont à la recherche d'un endroit insolite pour la pimenter. Mais une fois confrontés au sexe communiste et participatif, leur instinct possessif se réveille. Ainsi, R. qui vient de passer sa première nuit au Mooncityavec sa chère et tendre , explose de colère : "Le premier qui touche à ma femme, je le cogne." Charmant.
Anaïs  et Bénédicte

vendredi 16 avril 2010

AFP By Night

Minuit, place de la Bourse. Un vent glacial me fouette le visage. Je lève les yeux. Devant moi, se dresse un immense bâtiment noir avec de grandes baies vitrées. Le seul où les lumières ne sont pas encore éteintes. À droite, une grande inscription sur laquelle on peut lire "Agence France Presse". Je m'approche. La première entrée est bloquée. Un petit voyant lumineux rouge me fait comprendre que sans badge, je ne pourrais pas entrer. Je rejoins la deuxième entrée, et à tout hasard, appuie sur le premier bouton que je vois. La porte s'ouvre. Une autre porte vitrée me barre la route. J'appuie sur un autre bouton. Le voyant lumineux passe de rouge à vert. Me voilà enfin dans le hall d'entrée. Derrière son comptoir, un vigile me jette un regard soupçonneux. "J'ai rendez-vous avec le journaliste David Arrode?" Le vigile demande d'abord ma carte d'identité, et me prépare un badge. J'ai l'impression d'être au siège de la DGSE ! Un jeune homme d’une trentaine d’années vient rapidement m'accueillir. Il se présente « David Arrode. », et me serre la main en souriant. C'est sans doute le plus jeune des journalistes de nuit, ici. La moyenne d'âge doit être 45 ou 50 ans.

Avant d'entrer dans la grande salle des "desks" (bureaux français, international, espagnol et anglais), passage obligé vers la machine à café. Ou devrai-je dire, la salle des machines à café. Petit bar, fauteuils, et deux grands distributeurs de canettes et boissons chaudes. David salue deux hommes qui discutent, une tasse de café à la main. « Ce sont des chauffeurs », m’explique-t-il. C’est qu’à l’AFP, on a un certain standing. Chaque journaliste a droit à son chauffeur personnel.
La salle, d'une superficie d'environ 300m carrés, a l'air presque vide. Le silence règne. Plusieurs bureaux, quelques plantes vertes, et surtout beaucoup d'écrans d'ordinateurs et de télévisions branchées sur des chaînes d'info en continu, le son coupé. J'imagine que les huit journalistes qui travaillent ici la nuit on besoin de calme pour se concentrer.


C’est parti pour la visite des desks ?
Première étape : le desk français, où travaille David Arrode. Sa collègue a les yeux rivés sur deux écrans d'ordinateur à la fois. Sur l’écran de gauche, les caractères s’activent, les mots s’effacent, se réécrivent. « Sur cet écran, je relis et je réécris les dépêches. Elles arrivent sur l’écran de droite. »
Celui de David est désespérément vide. "La nuit, il ne se passe pas grand-chose en France. Le point le plus mort, c’est entre 4h45 et 7h. On peut s'endormir bien avant ! Mais il suffit qu'on découvre un fait divers survenu en pleine nuit, pour avoir du boulot jusqu'à l'aube..."

Je laisse mes confrères devant leurs écrans blancs, et me dirige à présent vers le desk espagnol, tout au fond de la salle. Caché dans la pénombre, derrière ses ordinateur, se cache un petit homme discret. Cheveux bruns foncé, la peau dorée, Alfredo m’explique avec un charmant accent latino-américain qu’il est le "responsable du service Grand Nuit de l'AFP à Paris".

Cela fait maintenant plus de vingt ans qu'il travaille à l'agence parisienne. Péruvien d'origine, il regrette un peu de ne pas pouvoir s'occuper de l'information d'Amérique latine. "Depuis sept-huit ans, on a une antenne espagnole à Montevideo en Uruguay, chargée de toute l'information du continent américain (Etats-Unis, Mexique, et Amérique latine). Le service espagnol de l'AFP se charge de l'information européenne, asiatique, et africaine, pour les clients espagnols. Mais dès minuit, en Europe, il ne se passe plus grand-chose. Je travaille surtout l'information des pays asiatiques et africains. Cela me manque un peu, l'information latino-américaine. Surtout qu'elle est toujours très dense ! Parfois, quand il y a une réaction espagnole, alors là, j'en profite pour faire un sujet".

Le travail de nuit, ça le connait : "En Amérique latine, j'ai travaillé longtemps dans des journaux, la nuit, donc c'est presque naturel pour moi." Depuis 8 ans, il suit toujours le même rythme : 7 nuits de travail, puis 7 jours de repos. "En terme d'horloge biologique, c'est comme si on faisait le voyage jusqu'en Amérique! On vit d'une manière complètement décalée. En général, pendant ma semaine de repos, je me couche tard (3-4h du matin), et me lève tard."

Et la vie sociale, dans tout ça? "Pour voir les amis, il n'y a pas de problème. La journée, ils travaillent. Je suis toujours disponible en soirée, et eux aussi. Ce qui est plus dur, c'est la vie familiale."
Je laisse Alfredo à sa douce solitude, et me dirige vers le desk international. La cinquantaine, allumant une énième cigarette, un journaliste me fait signe de me rapprocher."Moi, c’est Jean Raffaelli. Tu veux être engagée au desk international un jour ? Alors déjà, tâche de maîtriser l'espagnol et l'anglais. La majorité des dépêches arrivent dans ces deux langues »

Pourtant, c'est aux écoutes russes qu'il commence sa carrière, en 1982, connaissant bien la langue. Ensuite, il entre au desk international de Paris. Mais le journaliste a des fourmis dans les jambes et n'y reste pas longtemps. Entre temps, il est successivement en poste aux Etats-Unis, puis en Russie, où il couvre la guerre de Tchétchénie. Il s'installe ensuite à Rennes où il est nommé chef de rédaction, puis à Toulouse. Marqué par ces longues années de vadrouille, le reporter de guerre ne sait comment occuper ses nuits blanches… Jusqu’au jour où on lui propose d’être "responsable de la nuit" au desk international de Paris. "J’aime bien ce poste. C'est un moment un peu charnière entre les trois continents... Entre les uns qui se réveillent, et les autres qui s'endorment".

Au moment où il me parle, trois dépêches viennent de tomber : une affaire de pédophilie au Mexique, les suites du séisme au Chili, et une information en direct de Chicago sur l'obésité aux Etats-Unis. "Il va falloir actualiser tout ça avec des chiffres, et des éléments d'informations annexes". Et ce jusqu’à 8h du matin.

Je ne le dérange pas plus longtemps. J’aperçois un homme très affairé, une main agrippée au téléphone, l'autre tapant sur son clavier. Devant lui, trois écrans d’ordinateur. Derrière lui, un fax qui crache des informations sur la météo. C'est André Vollaz, le rédacteur en chef du service de nuit de l'AFP. Une fois qu'il a raccroché, je lui demande timidement de m'accorder cinq minutes. "Ici, c'est la tour de contrôle de l'AFP. J'ai toujours à l'oeil ces horloges accrochées au mur. Regardez : là, Washington s'endort et HongKong se réveille. Je fais le lien entre les différents bureaux de l’AFP implantés dans le monde. Lors d’événements faisant l’actualité mondiale, comme le tremblement de terre au Chili, récemment, je donne les directives globales. Je précise les angles, je détermine le nombre d'articles dont on a besoin ».

Il s'arrête un instant et pose un regard attentif devant son troisième ordinateur, où sont agrégés quatre écrans vidéos avec les chaines d’info en continu CNN International, Sky News, Itélé, et Al Jazeera...
« C’est plus stressant quand c’est calme que lorsque c’est agité, car on a peur de rater quelque-chose. Il faut surveiller en permanence ce qu’il se passe dans le monde, pas question que la concurrence (Reuters ou AP) nous double ! On va essayer de développer la surveillance Twitter et Facebook, comme ils le font déjà à Washington et Hong Kong. Mais Internet, c’est parfois trompeur. On doit être encore plus rigoureux pour vérifier l’info ».

Et certains soirs, gare aux canulars ! « Parfois, les nuits de pleine lune, des déséquilibrés nous appellent et nous disent être victimes d’un complot mondial. Ils vont jusqu’à essayer d’entrer dans le bâtiment ! »
Une nouvelle avalanche de dépêches vient de dégringoler sur André Vollaz. Je le quitte, et me dirige vers le dernier bureau, près de l’entrée. Un jeune journaliste, l’air sérieux, une petite écharpe au tour du cou, sirote sa tasse de tea. Welcome to the english desk, please. Jony Jacobsen travaille sur l’information du Moyen-Orient, de l’Afrique et de l’Europe, pour les clients anglophones de l’AFP : Anglais, Américains, mais aussi de Hong Kong ou d’Australie. « La nuit, c’est tout ou rien. C’est étrange. Heureusement pour le moment, c’est calme. On peut avoir une crise majeure, ou je peux rester assis tranquillement sur ma chaise ».

Jony est un débutant de la nuit. Il entame seulement sa troisième semaine en tant que veilleur de nuit du desk anglais. « La première semaine, je n’en pouvais plus. Je m’endormais sur place. Ensuite, j’ai réussi à dormir les après-midi. Si nécessaire, je prends des somnifères ».
Journaliste de nuit, un vrai calvaire ? Notre ami britannique n’est pas fou. Travailler la nuit, cela a aussi plein d’avantages : « Le jour, nos horaires ne sont jamais fixes. La nuit, si. On gagne plus d’argent, aussi. De jour, notre salaire est d’environ 3000 euros net. La nuit, on gagne 1000 euros de plus. Je suis seul sur ce bureau, donc je travaille à ma façon, et j'ai plus de responsabilités. L’un des seuls inconvénients ici, c’est le café. Il est infect. »

Petit lexique du Journaliste de l’AFP nocturne :
Desk : Bureau où les journalistes reçoivent les dépêches déjà écrites, arrivant des autres bueaux de l’afp dans le monde. Ils les relisent, les corrigent, les traduisent. Ils peuvent aussi rédiger des dépêches synthétisant l’actualité de la journée passée, ou prévoyant les événements à venir le lendemain.
Production : Bureau où les journalistes produisent, c’est-à-dire, rédigent les dépêches, à partir des communiqués qu’ils reçoivent, ou toute autre source d’information.
Le point de l’actualité : Synthèse des dépêches tombées pendant la journée.
Revues de presse : prévoient les événements à venir le lendemain, à partir de l’édito des journaux nationaux et régionaux reçus vers 3h du matin.
Régions : L’AFP en a cinq. Le bureau Europe-Afrique, basé à Paris, celui de l'Amérique du Nord, basé à Washington, la région Amérique du Sud, basée à Montevidéo, et celle du Moyen-Orient, basée à Nicosie. Chacune de ces régions est dirigée par un rédacteur en chef régional.

jeudi 25 mars 2010

Toy (Squat) Story

A 2h27, l'Anti Party bat son plein au Squat de la Générale en Manufacture. Ici, les artistes ont gardé leur âme d'enfants : c'est avec leur jouets qu'ils mixent ou se mettent en scène. Au programme : des robots DJs, des Chamans futuristes et quelques Jedis.

dimanche 7 mars 2010

"Il faut aller dormir, Madame, on a beaucoup d'appels au Samu"


2h27. Patrick Ecollan, directeur du Smur* de la Pitié Salpêtrière,  raconte : « Souvent, les gens n’appellent que pour des petits bobos. La nuit crée beaucoup d’angoisses. Une fois, c’était une personne qui était inquiète car elle avait mangé du riz périmé ». Entre les gens qui se sentent seuls, les enfants farceurs et les canulars, il y a de quoi faire pour les équipes du Centre 15, le centre névralgique du Samu à Paris.




Au cœur de la nuit, le calme règne ici. Un calme retenu. Un calme vigilant. Les permanenciers auxiliaires de régulation médicale (PARM) ne dorment que d’un œil. Non, en réalité, ils ne dorment pas. Certes, à partir de minuit, les appels sont moins fréquents. Le temps de plaisanter 2 minutes avec un collègue entre 2 appels.
Tous les appels d'urgence vers le 15 arrivent ici, dans cette petite aile de l’hôpital Necker dans le 15e arrondissement. Dans cette salle, pas de lits pour les patients, pas de seringues. Des ordinateurs et des téléphones. Un poste de TV, dans le fond de la salle, avec les informations en continu. Les ambulances sont en bas, prêtes à partir. En moyenne, on dénombre 2 000 appels par 24h. Mais seulement 500 dossiers médicaux sont ouverts. Le plus gros travail, c’est le tri.
Caché derrière ses deux écrans d'ordinateur et une pile de dossiers, un permanencier, impassible, décroche pour la énième fois son téléphone. Les sourcils froncés derrière ses lunettes, il interroge son interlocuteur : "Avez-vous de la fièvre? Depuis combien de temps durent les vomissements? Vous avez des antécédents cardiaques?". Ensuite, c'est à Patrick d'évaluer la gravité de l'état du patient. "Elle doit aller à l'hôpital." La dame insiste. "Non, on ne déplacera
pas une ambulance pour ça", tranche le médecin.




2h27. C'est aussi l'heure de la pause café-cigarette, pour ce petit couple complice de permanenciers, qui échangent quelques plaisanteries coquines. Certains font du 17h-3h du matin. D’autres sont là depuis 21h et ne repartiront que le lendemain, à 8h.
Nicolas travaille de nuit deux à cinq jours par mois. Fatigant, le travail de nuit ? Pas pour lui : « J’aime bien faire des nuits, de temps en temps. La nuit, c’est plus reposant, car on n’a pas l’habituel brouhaha de la journée. L’ambiance est plus feutrée. On travaille en effectifs réduits, donc cela crée plus de complicité. »
Mais ce calme peut aussi se briser d’une minute à l’autre. Nicolas se souvient notamment d’un appel marquant: « C’était un homme assez jeune. Il venait d’ouvrir sa porte. Il a retrouvé sa femme avec leur enfant dans les bras. Mort. Elle l’avait tué ».
À la TV, les infos annoncent la mort d’un jeune, poignardé dans le 16e. « Nos équipes y étaient, raconte Patrick Ecollan.  C’est arrivé à 20h. Ils ont du lui ouvrir le thorax pour recoudre le cœur. Mais il est décédé ».
Un appel lui coupe la parole. Cette fois, c’est un SDF qui s’est fait renverser par un bus. Un peu plus loin, une permanencière s’agace : « Madame, il faut aller dormir maintenant, nous avons beaucoup d’appels au Samu… ». La nuit sera longue.
* Le Samu de Paris fait partie des 105  centres installés en France. À Paris, le Samu (Service d’Aide Médicale d’Urgence) dispose de six Smurs (Service Mobile d’Urgence et de Réanimation) rattachés à des hôpitaux différents : Necker, Pitié-Salpêtrière, Lariboisière, Hôtel-Dieu, Saint-Antoine et Robert Debré. Concrètement, il s’agit d’une équipe médicale mobile, qui se déplace en ambulance, en voiture ou même en hélicoptère, lors d’un malaise ou un accident, afin de porter secours, ou d’effectuer un transfert entre différents hôpitaux.

samedi 27 février 2010

Présidentielles au Brésil : une élection qui s’annonce serrée


En octobre prochain, les Brésiliens éliront leur nouveau Président. La Constitution empêche Luis Inacio Lula Da Silva, élu pour deux mandats consécutifs, de se présenter une troisième fois. Après le bilan positif d’un Chef de l’Etat très charismatique, les candidats ont intérêt à être à la hauteur. 

8 ans de gouvernement Lula : un bilan très positif

Le gouvernement Lula, selon un sondage IBOPE de décembre dernier, a recueilli 83% d’opinions favorables. Le secret de sa réussite ? La conciliation entre les principes économiques de l’ancien Président Cardoso (autonomie de fait de la Banque Centrale, nomination à sa tête de l’ancien député du Parti de la Social-Démocratie Brésilienne (PSDB) Henrique Meirelles), et ses propres programmes sociaux, basés sur l’aide conditionnée. La Bolsa Familia en est le meilleur exemple. Dès 2003, les mères de familles ont pu recevoir une aide financière, dès lors que leurs enfants étaient scolarisés et suivis par un médecin. Cette bourse a encouragé la consommation, et créé de nouveaux marchés dans des régions exclues du développement, à l'image des États du Nordeste qui ont affiché une croissance de 1,5% l'an dernier, selon l'Institut de statistique Brésilien IBGE. Ce qui n'empêche pas les opposants de Lula de considérer la Bolsa Familia comme un programme d'assistanat.
Selon le FMI, la croissance augmentera de 4,7% cette année. En 2009, malgré la crise économique mondiale, le PIB n’a pas chuté. 1 million d’emplois ont été créés. Le Brésil se situe dans le top 5 des pays ayant les taux d'intérêt les plus élevés du monde. Or cette année, ils n’ont jamais été aussi bas : 8,75%. De quoi encourager les entrepreneurs à investir. Cependant, les taux pourraient remonter l'an prochain. 
Le salaire minimum, en 8 ans, est passé de 200 réais à 510 réais par mois. Avec un taux d’inflation annuel de 4,5%, on peut considérer que le pouvoir d’achat des Brésiliens a été multiplié par 2.


Dilma Rousseff  VS José Serra

Les 2 candidats rassemblant le plus d’intentions de vote dans les sondages sont José Serra (PSDB, centre droit), et Dilma Rousseff (PT, centre gauche). Ensuite, viennent Ciro Gomes (du PSB), puis Marina Silva (Parti vert)
.
José Serra et Dilma Rousseff se sont tous deux démarqués par leur opposition à la dictature militaire. Alors Président de l’Union nationale des étudiants, il partit à l’étranger pour un exil de14 ans, dès le début de la dictature, en 1964. Pendant ce temps, elle participait à une guerilla et fut emprisonnée en 1970 pour 3 ans.
Ministre de la Maison Civile, Dilma Rousseff bénéficie du bilan positif  du gouvernement, et d’un contexte économique très favorable. Elle se présente donc comme la « continuatrice des bons travaux du camarade Lula », selon un expert de la politique brésilienne souhaitant garder l’anonymat. Toutefois, elle est bien moins charismatique que lui. Lula transmettra-t-il des voix à sa dauphine ?
José Serra, gouverneur de Sao Paulo, a le profil d’un excellent administrateur, issu d’une bonne formation, titulaire d’un doctorat d’Économie à l’université de Cornell aux Etats-Unis. À la différence de Dilma, il est déjà connu et réputé. Il s’est présenté à de nombreuses élections, et il a été maire, puis gouverneur de Sao Paulo. Son programme se base sur la baisse des taux d’intérêts bancaires, afin d’amoindrir la surévaluation du real. 
Pour l’instant, il arrive en tête, avec 34% d’opinion favorable dans les sondages. Mais la popularité de Dilma ne cesse de monter. Il y a un an, elle obtenait entre 5 et 10% d’opinions favorables.  Selon un sondage national de l’institut Vox Populi paru le 29 janvier, José Serra a perdu 5 points (étant auparavant à 39%), tandis que Dilma Rousseff en a gagné 9, avec 27% d’opinions favorables. En à peine un mois, la différence de points entre les deux candidats est passée de 21 à 7. 
Toutefois, si Ciro Gomes renonce à se présenter candidat, la différence de point remonterait à 12 (40% pour Serra et 28% pour Dilma). 
Tandis que la stratégie de Dilma est de s’appuyer sur le bilan de Lula, celle de Serra est de se présenter comme le candidat le mieux préparé au futur. Il affirme ne pas être contre Lula, mais contre Dilma, en se disant plus compétent qu’elle. 

Mais d’ici juin, début de la campagne officielle, tout peut arriver.

samedi 6 février 2010

SOS Racisme au collège...

Petit reportage "News" d'un format très court, réalisé pour mon cours de TV à l'École de Journalisme...

"Halte aux discriminations". C'est le message que veut faire passer la mairie de Paris. Une campagne de prévention dans les collèges a été lancée. Elle s'adresse avant tout aux élèves de troisième. Pour la première fois, ils devront chercher un stage, et pourraient faire face à d'éventuels refus non justifiés.
Les bénévoles de SOS Racisme se sont rendus au collège Sonia Delaunay, dans le 19e arrondissement.

Un reportage de Bénédicte L.